24 juillet 2020

St Martin – São Miguel : transat estivale

Transat 2020-2 

La moitié de l’équipage est manquante, dans l’impossibilité de rallier St Martin par les liaisons aériennes défaillantes pour cause de coronavirus. Pas de candidat de dernière minute non plus sur les annonces de la capitainerie de Fort-Louis. Nous ferons donc cette transat à deux. Retour aux sources : en binôme comme pour ma toute première transat sur Teles il y a 10 ans (cf. transat 2010).



3 juillet : fin d’après-midi, Julien et moi sommes prêts au départ. Nous levons l’ancre de la baie du Marigot alors que le jour décline, destination les Açores. 

 

St Martin : le Marigot
 

Adieu à Véronique et Pascal sur Felicity, qui photographient notre départ

 

Nous commençons par perdre du temps pour contourner Anguilla, qui interdit non seulement son sol mais même ses eaux territoriales à tout navire étranger sous peine d’arraisonnement et d’amende plus que salée. Nous passons au large de la pointe ouest puis commençons dans la nuit la remontée de l’alizé au près bon plein : vent 15 nœuds, cap au 30° en lofant progressivement vers l’est, vitesse 7 nœuds, mer passablement agitée. Julien accuse une certaine fatigue, les anti-mal de mer sont bienvenus… 

 

 
 
Début d'une longue série de fabuleux couchers de soleil

Le vent fraîchit les jours suivants et nous prenons plusieurs fois un ris, largué dès que le vent mollit car nous luttons contre un perfide courant contraire.

 

7 juillet : le vent adonne et mollit franchement, nous quittons les alizés et entrons dans une vaste zone de vents faibles que je redoutais en cette saison. Nous faisons nos premières heures de route au moteur, le moins possible, en remettant sous voiles dès que le vent revient à une force maniable, autour de 7 nœuds.

 

Le barographe monte, monte...


Les levers de soleil ne sont pas mal non plus


Dès les premiers jours se sont déclarées les inévitables petites avaries qui font le piment (la joie, même !) de la navigation : le renfort du point d’écoute du génois s’est décousu sur une trentaine de centimètres ; le congélateur tourne en permanence sans produire beaucoup de froid pour autant, et vide allègrement les batteries jour et nuit ; les courroies d’alternateurs patinent, malgré une remise en tension, et l’alternateur bâbord présente de surcroît des faux contacts perturbant la recharge si nécessaire des batteries. 

 

Alternateur à éclipses...

 

Les problèmes d’énergie seront progressivement résolus après de nombreuses visites dans les cales moteurs : les courroies d’alternateurs sont finalement changées, les bornes de sortie d’alternateur bâbord sont nettoyées et équipées de nouveaux écrous. Après plusieurs reprises et fignolages, tout rentre dans l’ordre et on peut enfin recharger normalement les batteries dévorées par le congélateur. Julien déploie tous ses efforts en cuisine pour le vider en priorité, et la situation s’améliorera nettement quand nous pourrons enfin éteindre ce glouton insatiable en ampères.


Julien aux fourneaux

                         




 
                    


 

 



Là, ça charge...



 

 

 Enfin vide !

 

 

Pour le génois, il faut attendre une journée suffisamment déventée pour pouvoir l’affaler et faire une réparation de fortune. C’est chose faite le 9 juillet : un atelier de voilerie est improvisé sur la plage avant. Je reprends la couture qui a lâché ainsi que le bloqueur du nerf de bordure, en constatant que plusieurs coutures seront à refaire dans la même zone dès l’escale des Açores. D’ici là, il faudra ménager la voile autant que faire se peut…

 

Voilerie embarquée

La traversée des zones de calmes prend plusieurs jours. Le vent ne dépasse pas force 2 à 3 et les heures de route au moteur s’additionnent, parfois des journées entières. Les réserves en carburant commencent à fortement baisser : nous en avons largement consommé la moitié alors que nous sommes encore loin de la mi-parcours… Il faut se résoudre à faire de la très petite vitesse sous voiles, ce que fait Powhatan avec toute sa bonne volonté : même avec très peu de vent, il avance, ne serait-ce qu’à 2 nœuds, voire moins. Nos distances journalières s’effondrent à moins de 90 milles. 

      


La météo est difficile à gérer : les phénomènes atmosphériques évoluent avec des variations tellement faibles que les prévisions sont aléatoires, voire franchement fausses. J’essaie d’attraper le moindre couloir de vent, mais il a disparu quand nous y arrivons. Nous n’avons plus qu’à tenir compte de ce que nous observons en local en gardant un cap orienté au nord.
 

Par où passer ?
 
Autre plaie trop familière : les sargasses qui se prennent dans l’hydrogénérateur. Comme l’an passé, il faut de fréquents arrêts pour dégager l’hélice.


Moquette flottante


  

 
Si le temps n’est pas celui des records (sinon de lenteur), il nous offre en revanche de superbes images : la mer lisse comme un miroir, des couleurs splendides, de somptueuses nuits étoilées, et des baignades mémorables dans la piscine bleu profond par 4000 m de fond.
 
   Peut-on avoir un demi-nœud de vent ??
 
 
 
 
 
  
 
 



 
Clou du spectacle, un magnifique rayon vert, phénomène rare que nous observons deux soirs de suite. J’enregistre une vidéo qui reste un moment fort de ces journées un peu trop tranquilles.
 
Note : la couleur intense du rayon vert sature le capteur du smartphone avec lequel il a été enregistré. Le rayon vert apparaît d'une nuance plus claire qu'en réalité, tirant sur le jaune, et sur une trentaine de secondes alors qu'il n'est visible que 2 à 3 secondes à l’œil nu.
 
 
14 juillet : le vent salue la Fête Nationale en consentant à adonner suffisamment pour que nous puissions hisser le gennaker. C’est un net progrès : nous retrouvons une vitesse sous voiles acceptable malgré un vent toujours anémique, et cette puissante voile va nous sortir du marasme pendant les 3 jours suivants.
 

 

 

 

 

 

C’est là que nous dépassons le seul voilier rencontré lors de la traversée : « Positive II », immatriculé aux BVI.

 

Un mât sur l'horizon


Les cargos sont nettement plus nombreux


16 juillet : nous atteignons enfin la branche montante d’une bulle anticyclonique centrée au nord-ouest des Açores, alors que la distance restante jusqu’à Ponta Delgada passe sous la barre des 1000 milles nautiques. Le gennaker est amené, le vent monte rapidement et nous sommes sous voilure réduite à 1 ris dès le soir. Suivront trois jours de régal de navigation, par vent travers-largue de 20 nœuds, notre vitesse s’établissant entre 7 et 9 nœuds. Plus de problème de charge des batteries : à cette vitesse, l’hydrogénérateur, avec l’appoint des panneaux solaires, étale complètement les consommations sur 24 heures. Le 18 juillet, nous enregistrons notre record de distance journalière : 194 milles, plus de 8 nœuds de moyenne, la meilleure performance de Powhatan depuis son acquisition.

 
 

 
 


 
Les réserves de gazole ne sont plus du tout sollicitées, sauf après un épisode peu glorieux de panne d’eau douce… Les jauges ayant tendance à afficher des niveaux fantaisistes, nous pensions avoir de l’eau jusqu’à l’arrivée. Las ! les cuves étaient vides, et les robinets ont bien sûr cessé de couler alors que Julien était sous la douche… Le dessalinisateur a vite fait de pallier la pénurie, et il reprend du service pour une petite heure quotidienne jusqu’à l’arrivée.
 
 

19 juillet : nous atteignons le point le plus au nord de notre route, où le vent adonne comme prévu pour nous permettre de mettre le cap au sud-est, vent travers direct sur São Miguel. Il reste 400 milles à parcourir.
 


 

20 juillet : terre, terre ! Après 17 jours de mer, Flores est en vue au lever du jour. Julien ne cache pas sa joie. 
 
 
 
Flores
 
Crépuscule sur Flores et Corvo

Le vent mollit progressivement le jour suivant et nous faisons route au moteur pour descendre l’ensemble de l’archipel des Açores d'ouest en est.
 

 
 
La mer plate nous permet au moins de repérer facilement les cétacés : beaucoup de dauphins, et un groupe de baleines qui nous croise à l’ouest de Faial.
 



 






 
 
Faial et Pico


Le canal entre São Jorge à bâbord, Faial et Pico à tribord




Les deux derniers jours seront parcourus, toujours au moteur, sous un faible vent de face. Les niveaux de gazole sont au plus bas, nous utilisons les ultimes réserves des jerricans de secours pour les derniers milles.


São Miguel en vue, on sort les pare-battages

 
23 juillet : nous entrons dans le port de Ponta Delgada au milieu de la nuit, destination atteinte en 19 jours de mer et quelques heures. Nous avons parcouru 2594 milles nautiques depuis St Martin. 
 
 
Au ponton carburant : il était temps d'arriver !


La trace GPS de la traversée
 




 
Les formalités sanitaires sont réduites au minimum : ayant passé plus de 14 jours en mer, nous sommes considérés comme libérés de quarantaine. Pas de tests ni de contraintes particulières, nous sommes libres de nos mouvements. Après avoir fait le plein de carburant, nous nous amarrons dans la nouvelle marina, à la même place qu’il y a un an. 
 
 
Un cadre maintenant familier


Courte pause pour Powhatan
 

Les travaux à bord vont nous occuper quelques jours sous un temps estival : démontage de l’hélice d’hydrogénérateur encombrée de fils, changement d’une pompe de cale, divers bricolages et grand nettoyage intérieur et extérieur. Les réparations sur le génois, les frigos, et une soudure sur un balcon seront exécutées avec leur efficacité habituelle par Thomas et Any (Boat & Sail Service) en une petite semaine. La ville est désertée pour cause de coronavirus ; nous y trouvons quelques bonnes tables, rares mais accueillantes, avant de reprendre la mer.
 
 
Ponta Delgada au ralenti


À suivre ici

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