12 décembre 2010

Transat 2ème saison : Canaries-Martinique

Transat 2010 - 1

La transat, enfin !

Alain, mon équipier dans cette aventure, est sur place depuis plusieurs jours ; c'est une grande joie de le voir et de retrouver Teles, sagement amarré depuis 3 mois à Pasito Blanco. Quelques préparatifs, et cap sur les Amériques...




Armelle va jouer le rôle crucial d'assistance à terre, grâce à un échange quotidien d'e-mails (extraits de mes envois dans le récit ci-dessous) via l'Iridium, lequel nous assure aussi la météo. Elle doit nous rejoindre le 22 décembre en Martinique, si tout va bien.

L'apocalypse !

Un déluge sur les Canaries la veille du départ prévu le 30 novembre. Routes coupées, aéroports fermés, de mémoire de Canarien ce sont des intempéries exceptionnelles. Nos quatre caddies pleins sont chargés sous des trombes d'eau.


Le ponton est glissant, je chute méchamment au cours des transferts.

Rien de cassé mais il y a eu doute pendant un moment : ma jambe gauche s'en tire avec un énorme hématome pour quelques jours.
 










Sur le bateau, quelques pièces sont remplacées, mais impossible de dévisser les butées du rail d'écoute de grand-voile pour installer le chariot neuf que j'ai apporté : soudées au sel et à la corrosion. Un bricolage improvisé me semble hasardeux juste avant le départ et je laisse les choses en l'état, mais ce sera un point fragile. 

Côté énergie, l'électricité sera produite par le couple bien éprouvé pile à combustible + DuoGen en mode hydrogénérateur, les deux vérifiés et quelques pièces changées. L'eau douce nous sera fournie en abondance par le dessalinisateur.




30 novembre : le départ

Arrêt de la pluie. La mer est encore bien agitée, nous attendons la renverse du vent prévue du sud-ouest au nord-est. A 16h30 les conditions sont bonnes et nous appareillons sous un ciel dégagé et une petite houle résiduelle. La joie, après 3 mois loin du bateau !

 
Au revoir Gran Canaria
 
L'atlantique nord est envahi de méga-dépressions, juste sur la route directe au 250°. Pas le choix, il faut les contourner en passant par les îles du Cap Vert. Nous mettons donc le cap plein sud.

  
La météo sur l'atlantique
 
Ces premières heures, tout est parfait : nous filons à plus de 7 nœuds, portés par un bon vent au portant et le courant des Canaries. Il ne fait vraiment pas chaud malgré la latitude (nous sommes au large du Sahara Occidental), on reste couverts.

 


Les conditions sont idéales pour prendre nos marques, et pour Alain se familiariser avec le bateau. 

Nous établissons 2 quarts de 3 heures chacun pour la nuit, les manœuvres et la vie du bateau nous occupent le reste du temps. Ce sont aussi de vraies vacances : farniente, lecture, musique, avec cette impression de temps étiré et d'espace infini, sérénité, loin du stress, silence (si l'on excepte les très nombreux et très signifiants bruits du bateau...), et la splendeur du ciel de jour comme de nuit !

 


Déjà la fin du rêve :

Il faut réduire un peu et nous prenons un ris... La grand-voile se déchire en bordure du renfort de ris sur plus de 30 cm ! Si près du départ, consternation ! 










Pas question de faire machine arrière contre le vent et le courant, et rien à espérer au Cap Vert pour réparer. D'emblée, la traversée est compromise par une avarie importante. Une fois les moments de découragement passés, les décisions sont prises : nous allons naviguer sous 2 ris, afin de neutraliser la zone déchirée, et attendre le 3ème jour où le vent doit tomber pour tenter une réparation.
 
Le 3 décembre, le vent tombe en effet, mais la mer reste agitée et le chantier est acrobatique. Je fixe des rustines en caoutchouc pour annexe avec de la colle époxy : il me semble invraisemblable que ça puisse tenir aux efforts considérables sur une voile, surtout pendant plus de 3 semaines. Mais pas le choix.

Chantier de voilerie improvisé



 

Pas de vent !

Après cet épisode refroidissant, la météo confirme une forte baisse du vent, qui devient même quasi-nul au bout de 5 ou 6 jours. On n'avance plus, le bateau est secoué par la houle, les voiles battent et le gréement souffre. Nous allons franchir une zone de calme au moteur pendant une dizaine d'heures. Le peu de vent restant s'est remis au sud-ouest : la route est barrée. Le choix est soit sud-est pour passer à l'est des îles du Cap Vert et essayer de trouver un peu d'alizés, mais c'est un énorme détour, soit contourner la zone par le nord en obliquant vers l'ouest.
 

Nous mettons cap à l'ouest, vent travers et même au près serré avec toute la toile : code 0, grand-voile haute en priant pour que notre rapiéçage tienne ! Il faudra mettre du moteur pour recharger les batteries, la vitesse est trop faible pour que la DuoGen charge suffisamment. En plus, elle se prend régulièrement des détritus, plastiques et lambeaux de filets qu'il faut éliminer.



Trois jours vers l'ouest, en remontant même un peu au nord, puis le vent adonne en passant au nord-ouest et nous ouvre enfin la porte du sud.

 



Mail du 7/12 : "Le mieux se confirme, nous avons fait 109 nm les dernières 24h donc presque dans la moyenne. Le vent n'est pas encore vraiment dans le bon sens mais on peut maintenant le remonter grâce au Code 0, hissé toute la journée sauf un moment de survente (modérée) à midi. Nos principales préoccupations sont alimentaires. Il n'y a plus de pain, donc nous attaquons demain la fabrication de pain. Ça ne va pas être triste ! Le rythme des quarts est bien intégré. Il y a 12 h de nuit et 12 de jour donc beaucoup de temps passé à dormir, de jour comme de nuit. En plus nous dormons très profondément, les réveils sont parfois durs. Mais pas de fatigue anormale, les manœuvres de voile nous font faire du sport. Sinon on a toujours 28°, l'eau est à 27° et on n'a pas croisé un bateau depuis 24 h. Demain on devrait arriver au-dessus de Mindelo et après-demain attraper les alizés."


Près des îles du Cap Vert

Nous arrivons au large de Santo Antão le 8 décembre. Déjà 9 jours du départ et nous avons fait à peine un quart du parcours. C'est encore rattrapable mais il faut avancer beaucoup plus vite désormais. Nous passons au-dessus des îles du Cap Vert sans les voir, gardant une distance prudente des filets et objets flottants incontrôlés. Enfin il y a du vent, un peu instable mais nous avançons. Pas très vite, l'état de la voilure nous oblige à prendre 2 ris quand un seul suffirait.


Rencontre rare : un grand voilier à l'horizon

Mail du 8/12 : "Ça y est, le 1er pain est sorti du fournil ! Pas levé, mais bon goût. Il faudra améliorer la recette. Mon équipier en a profité pour engloutir toute la miche... Nous sommes enfin sortis de ce marais maudit et filons maintenant droit sur la Martinique à 5 kt, on devrait atteindre les 6 kts en croisière demain soir ou après-demain. Ça permet d'avoir de l'électricité et de moins rationner de ce côté. On a encore passé la journée à changer de voiles mais ça doit être terminé, ce sera plutôt la prise de ris maintenant."

Trois jours de navigation géniale

Pile au cap, sous deux ris. Nous avons la visite de quelques dauphins, mais surtout des chapelets de grains. Je préfère les éviter et nous faisons une petite course aux grains en les suivant au radar pour anticiper leur route : on arrive à tous les contourner !
  
La course aux grains
 
C'est là que le pilote automatique fait des siennes : panne d'afficheur. Heureusement il marche quand même mais impossible de le régler à la demande.
 
Ecran muet...

Mail du 9/12 : "Nous avons du vent, même un peu trop, et beaucoup de grains. La nuit dernière a été agitée et la prochaine s'annonce idem. Enfin nous sommes sur la route et avançons bien, le moral est bon. Nouvelle avarie, l'écran du pilote est éteint. Il marche quand même mais sans écran ce n'est pas pratique...! Un truc de plus, sinon le reste va bien."
L'assistance à terre va déployer tout son talent : Armelle s'accroche au téléphone et en moins de 2 jours la panne du pilote est identifiée et le matériel de rechange est expédié. Malheureusement il faudra attendre l'arrivée pour la réparation.
Mail du 10/12 : "Pour le moral ne t'inquiète pas, de toutes façons la pire avarie sur un bateau c'est les chiottes bouchées et je suis tellement tyrannique sur ce sujet que ça n'arrivera pas...! Aujourd'hui très bonne journée, vent parfait, 128 nm parcourus, bien que la mer soit vraiment agitée : ça fait des jours qu'on se fait secouer mais on dort très bien et pas de signe de fatigue. La météo semble annoncer du calme dans 3 ou 4 jours hélas, je suis ça de près pour éventuellement contourner mais ça va encore nous retarder. Protégez-vous du froid, on a peine à imaginer ici, évidemment, on cherche plutôt à éviter les coups de soleil."
Mail du 11/12 : "On commence à transpirer dur, même la nuit. Excellente journée, beaucoup de vent, beaucoup de mer aussi... On avance bien. On a décalé d'une heure car les quarts devenaient un peu inadaptés. On risque de déchanter dans 2 jours pour la météo, on verra bien. Je pense irréaliste qu'on prévoie notre arrivée avant le 24 ou 25, tu devrais maintenant prévoir un hébergement, quitte à annuler après. Là on cravache mais si on a encore une zone de pétole de 2 jours on n'y arrivera pas. En plus avec la voile déchirée on ne peut prendre que 0 ou 2 ris,avec un seul ça irait mieux mais on la ménage, évidemment..."
Mail du 12/12 :"On est à peu près au milieu mais ici les distances ne signifient pas grand chose, c'est le temps qui compte. La dernière nuit a été "riche" : jusqu'à 24 kt de vent, régime de rafales permanentes et beaucoup de mer. On a eu plusieurs grains. Il fait chaud le jour mais la nuit on reste couvert. Aujourd'hui on a obliqué vers le sud pour éviter la zone de calme qui se profile dans 2 jours mais ça nous retarde encore un peu plus... Dommage, on est à 6,5 kt de moyenne et les conditions de nav sont vraiment fantastiques. Le pilote assure à merveille, on a 1 ris de trop mais au moins la voile est préservée. Ce soir ça souffle encore beaucoup, creux 2 m, beau temps pour la nuit. Je vais voir la météo pour décider notre route de demain. J'avoue que cette traversée c'est vraiment le bonheur... Seul problème, le délai qui met la pression mais autrement pas de souci, nous avons des provisions et avec la vitesse toute l'électricité nécessaire. Le moteur ne tourne que pour le dessal."

A suivre ici
  


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Laissez vos commentaires ici