19 août 2010

Escales marocaines


Pré-transat 2010 - 4 

Gibraltar-Rabat - 194 nautiques


14 août. C'est le moment de vérité, l'épreuve attendue depuis le départ : passer le détroit de Gibraltar, de méditerranée en atlantique et du même coup d'Europe en Afrique - frontière est-ouest et nord-sud, frontière aussi dans la tête du navigateur !



Premier bord sous 13 nœuds de vent de nord-est, voile haute au grand largue contre un fort courant portant à l'est à 2,5 nœuds au milieu du détroit. Empannage pour revenir vers la côte espagnole, croisement de nombreux cargos. Le courant est moins fort mais le vent monte : 15, 18, 22 nœuds. Vent contre courant, la mer devient très agitée.




 
Ça remue les entrailles...


Sous 2 ris en vue de Tarifa, la pointe à l'extrême sud de l'Espagne
 
Nouvel empannage en évitant un cargo qui peine contre le courant ; celui-ci diminue nettement dès que nous avons dépassé Tarifa et la mer devient moins agitée.

Nous sommes au centre du détroit, où la profondeur est faible et la faune très concentrée.
 

Nous observons encore des dauphins et, beaucoup plus rares, quelques globicéphales de 7 à 8 mètres.

Nous progressons de nouveau vers l'Afrique, et en nous approchant de la côte marocaine nous sommes pris dans un nouveau courant, portant à l'ouest cette fois et très puissant : 2,5 à 3 nœuds. Avec ce courant et le vent dans le bon sens, nous avons à la fois une dérive énorme de 40° et une vitesse fond approchant les 9 nœuds en avançant complètement en crabe !



En utilisant ces éléments à notre profit, nous croisons à toute allure (jusqu'à 10 nœuds) le cap Malabata et rejoignons Tanger en moins de 7 heures malgré l'important louvoyage qui a ajouté 7 milles à cette distance de 30 milles. Ça y est, nous l'avons fait !

Entrée dans la baie de Tanger

La baie de Tanger est très exposée au vent d'est et nous avons toujours 18 nœuds de vent en pénétrant dans le port. Changement complet d'univers : des foules de gens sont massées sur les quais autour des bateaux de pêche qui vendent leur poisson.



Les bateaux sont sur plusieurs rangs à couple, des amarres sont tendues à travers le port, des dizaines de gamins s'amusent à sauter dans l'eau. 



Je dirige le bateau avec précaution à travers cette masse mouvante vers le fond du port, où se trouve le club nautique. Nous voyons des bateaux amassés autour de pontons saturés, sans aucune place visible. Depuis l'entrée du port j'ai appelé en vain à la VHF sur toutes les fréquences habituelles mais personne ne répond. Denis tente un appel téléphonique au numéro indiqué sur le guide nautique, qui s'avère être un numéro de fax. 

Je tente d'accoster sur un ponton à l'écart vers l'entrée, mais c'est celui de la Marine, et nous sommes vite dissuadés d'approcher... Cette errance dangereuse au milieu des bateaux entrant et sortant, des baigneurs, des militaires et toujours par 18 nœuds de vent, ne peut durer. Le mouillage à l'est du port semble peu engageant par ce temps et nous décidons purement et simplement de repartir et de poursuivre notre route vers Rabat.

Teles entre ainsi plus tôt que prévu dans l'atlantique. Au début, ce n'est pas une révolution : il y a de l'eau salée, des vagues et du vent ! Mais une fois passé le cap Espartel, la découverte est nette. Cette eau verte est animée d'une houle régulière, avec un vent qui ne bouge pratiquement pas pendant des heures. Les voiles sont réglées pour la journée, on n'a pas à être aux aguets des sautes d'humeur constantes de la météo comme là-bas derrière ! Autre nouveauté : la marée, dès la prochaine escale.
  
 Le cap Espartel


Après avoir quitté le détroit de Gibraltar et obliqué vers le sud, je suis une route parallèle à la côte à 20 milles de distance, principalement pour éviter filets et pêcheurs signalés comme nombreux.

En fait, on en rencontre même au-delà et il faut être vigilant. Plus loin, des cargos croisent à 25 milles de la côte, nous restons donc entre les deux pour la nuit.



15 août. Notre départ anticipé de Tanger modifie mes plans d'arrivée à Rabat, notamment en tenant compte des marées. Il faudrait arriver le lendemain en cours de matinée, donc traîner un peu en route... 

Mais rien n'y fait : il y a un peu plus de vent que prévu, Teles refuse de descendre en-dessous de 6 nœuds - avouons que les conditions sont tellement bonnes que ce serait du gâchis de ne pas en profiter. A 17 heures, les calculs donnent une estimation d'arrivée vers 22 heures. Je ne m'engagerai pas de nuit dans le chenal fluvial qui mène au port de Rabat-Salé, mais nous pouvons mouiller à l'entrée en attendant le jour et la marée. 

Je quitte donc notre rail virtuel et mets le cap droit sur Rabat. Il faut quand même du moteur les deux dernières heures, où nous progressons de nuit entre des dizaines de petits bateaux de pêche peu éclairés, que je suis au radar avec les équipiers en vigie à l'avant. L'horizon est barré par un sabre de lumière : l'arrivée sur Rabat est assez impressionnante.


Nous sommes enfin devant l'embouchure du Bouregreg, le fleuve qui sépare Rabat de Salé. Je me positionne sur la zone de mouillage repérée sur la carte. Nous allons jeter l'ancre quand surgit un semi-rigide qui vient droit sur nous : "nous sommes de la marina, suivez-nous !"

L'embouchure du Bouregreg et ses digues plongeantes, telles que nous les verrons plus tard

  En remontant le fleuve

Je savais que l'entrée au port se faisait ainsi avec assistance d'un pilote, mais au beau milieu de la nuit et sans nous être signalés, c'est une heureuse surprise.
 

Nous passons sous les fortifications de la kasbah des Oudayas, puis au milieu des barques de pêcheurs et de passeurs d'une rive à l'autre. Sur les quais, une fête foraine bat son plein, c'est noir de monde. Nous allons bientôt comprendre pourquoi.

On nous conduit à un ponton au pied des bâtiments administratifs à l'entrée de la marina. Nous sommes attendus. Police, douane, capitainerie nous accueillent avec le sourire et nous apprennent deux choses : l'horloge est avancée d'une heure (soit UTC alors que nous étions à UTC+1 normalement au Maroc), et la raison en est ... le ramadan ! Ainsi s'expliquent la fête et la foule dehors, mais cela va aussi compliquer notre séjour.

Le ponton d'accueil

Les formalités sont accomplies sans difficultés, y compris la visite d'un adorable labrador noir de la brigade des stups. On nous conduit à notre place dans la marina : beaucoup de places libres en vérité, pontons flottants avec catways, eau et électricité, sanitaires, gardiennage, rien ne manque. A un bon kilomètre de la mer, l'abri est total. Nous arrivons en limite de la marée descendante, le marnage est de 2 mètres. Que de chemin, pas seulement en milles, depuis Gibraltar !

Teles à la marina

Escale à Rabat


16 août. Les parties anciennes comprennent trois quartiers entourés de murs d'enceinte : la kasbah des Oudayas sur la mer, la médina de Rabat au sud du fleuve, un peu visitée, et la médina de Salé au nord, pas du tout touristique. Autour, la ville moderne s'étend à perte de vue : tours, chantiers partout, circulation dense. Ambiance sonore "orientale"...

Chantiers sur Salé



Les remparts de Rabat


Pendant deux jours nous sillonnons à pied les quartiers intéressants, en nous imprégnant des couleurs et des odeurs (variées !).

 
  Le bateau-taxi pour traverser le fleuve vers Rabat


Rabat : la médina

 




 


 




Remparts de la kasbah des Oudayas



 Vue sur le large depuis les remparts
 


 

  


 


Mosquée dans la médina

La période du ramadan va nous poser une série de problèmes : beaucoup de magasins sont fermés, et tous les restaurants pendant la journée. Nous finissons par en trouver un, El Bahia sur la médina de Rabat, réputé par ce fait qu'il est ouvert même à midi. Ce doit être le seul à Rabat !
  








En plus on y mange bien !

A midi, un seul serveur "volontaire" nous offre une carte réduite mais suffisante, en réclamant courtoisement 10% de supplément pour ce service : parfaitement légitime, et nous laisserons même volontiers un peu plus.

L'avitaillement est problématique. Il n'y a rien à proximité du port à part quelques conserves chez le shipchandler (pour le matériel bateau il n'a à peu près rien). On nous indique un supermarché assez loin : "Label Vie" (sic) de l'autre côté de la médina de Rabat. Il nous permet de nous fournir en fruits et légumes, pâtes, boissons, rares conserves. Horreur : aucun alcool, et nous n'avons plus de vin ! Les viandes proposées nous semblent hautement suspectes, pas besoin de s'offrir une dysenterie en pleine mer... Nous prenons ce que nous trouvons, complété par du pain frais. Pendant la prochaine traversée nous allons en quelque sorte faire, nous aussi, ramadan !


A suivre ici

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