Carthagène-Gibraltar - 267 nautiques
10 août. Le petit vent de sud-est du départ ne dure pas plus de 30
minutes. Le spi d'abord hissé est vite affalé. Pendant deux jours
entiers, nous aurons un vent faible de face.
J'ai de face le vent qui flirte avec force 6, le courant portant à
l'est qui dépasse 2 nœuds, et tout autour des cargos en attente, faisant
des ronds dans l'eau.
Il revient heureusement lever tout ça en début de nuit.
A suivre ici
Nous faisons route principalement au moteur avec quelques moments sous voiles qui nous font beaucoup dévier de la route.
Au matin du 11 août, nous entrons dans une nappe de brume dense.
C'est le moment d'activer le radar.
Le soir,
l'approche de l'atlantique est sensible. La mer prend une teinte verte,
l'odeur particulière de l'océan est nette. Nous naviguons entre la côte
et le rail des cargos remontant la côte espagnole. Le trafic est dense
mais ne nous gêne pas, étant parallèle à notre route. Apéro agrémenté de
nombreux dauphins, comme presque chaque soir.
A la fin de la seconde nuit, le moteur tourne imperturbablement
depuis quarante heures. Nous sommes presque dans l'axe du détroit et le
vent, toujours de face, monte rapidement. Il s'y ajoute un courant
contraire d'1,5 nœud au moins. Notre vitesse baisse et le bateau peine à
dépasser les 3 nœuds malgré un régime moteur constant. Quand le vent
atteint 16 nœuds, il me semble suffisant pour louvoyer sous voiles avec
une efficacité au moins équivalente à celle du moteur : en effet, après
arrêt du moulin et remise sous voiles, le VMG reste à 3 nœuds malgré
l'écart de route et la forte dérive due au courant - plus de 20°.
À 14 heures nous sommes au travers du rocher de Gibraltar.

Teles va devoir se surpasser ! Je croise le rail principal, finassant
avec 3 cargos dont les routes sont droit sur nous (et vive l'AIS !),
puis virement de bord et remontée au près serré sous 2 ris.
Nous avons failli passer la Punta Europa, à l'extrémité du
rocher, mais c'est encore un peu court :
un monstrueux porte-containers
(363 m de long !) nous barre le passage.
Nouveau bord en retraversant le rail, puis remontée à la limite
extrême du près serré, rail de fargue dans l'eau, équipage au rappel :
ça passe, vent à 24 nœuds à l'entrée de la baie d'Algésiras.
Je peux enfin abattre et filer à 8 nœuds plein nord.
Nous côtoyons de nombreux cargos ancrés, chacun flanqué de son petit
pétrolier nourricier : c'est la station-service des super-gros, source
de revenus importante pour Gibraltar.
Nous dépassons le rocher mythique pour aller jeter l'ancre dans
l'avant-port de La Linea, en zone espagnole au ras de la frontière
britannique. L'apéro dans un décor aussi symbolique a ce soir-là quelque
chose d'exceptionnel.
La météo s'est un peu améliorée pour les jours suivants : nous
pourrons passer le détroit le 14 août dès la renverse du vent qui
restera de force 5 à 6, et dans le bon sens. Cela nous laisse un jour de
relâche pour visiter Gibraltar.
Escale à Gibraltar
13 août. L'annexe nous amène au port de La Linea, sur un ponton au
hasard. Nous découvrons une immense marina flambant neuve et
quasi-déserte. Il y a bien 500 places, qu'occupent tout au plus 40
bateaux.
Rêve de plaisancier azuréen ! |
Il est conseillé de passer la frontière à pied.
La file de voitures s'étire sur des kilomètres. |
André, tout à son insouciance, n'a pas son passeport. Il exhibe
cartes d'identité, certificats, cartes de visite (non, là c'est nous qui
le charrions un peu)...! Mais la très sexy douanière britannique reste
intraitable et il est refoulé. Il va retourner au bateau et nous
rejoindra plus tard.
L'accès au rocher est singulier : on traverse les pistes de l'aéroport.
Plus loin, on pénètre par une ancienne poterne et deux tunnels à travers les fortifications qui datent de Charles Quint.
Le centre-ville s'étire sur deux ou trois rues bondées, sans autre
intérêt que le shopping : photo et informatique, parfums, fringues,
alcools.
So British !
Souvenir de la bataille de Trafalgar
Une modeste statue de l'amiral Nelson
L'énorme port n'est pas facilement accessible. Il faut traverser le
mur d'enceinte puis des boulevards encombrés, et trouver un passage
entre les entrepôts et les hangars.
La
plus grande marina, Queensway Quay ("The Quay" quand on est dans le
ton), est enserrée entre des résidences de luxe très exclusives, à
l'abri de la piétaille du duty-free...
À Marina Bay, où nous avons fait le plein de carburant le lendemain
(pas vraiment moins cher qu'ailleurs), on annonce la couleur : pas de
visiteurs !
Nous avons résisté au fish and chips londonien proposé partout, et
trouvé un sympathique restaurant marocain aux rafraîchissements
bienvenus : il fait très chaud et très soif. Notre journée sera rythmée
par les haltes bière (pas mal !) et eau minérale (beaucoup !).
Retour à La Linea, petit avitaillement dans une improbable supérette
cachée dans les HLM locales, et nous récupérons l'annexe qui n'a été ni
volée, ni perforée comme je l'avais lu ici et là en préparant le voyage.
Dans cette marina fermée et surveillée, cela serait vraiment étonnant
mais ces infrastructures sont nouvelles et même inachevées. Il a pu en
aller autrement dans un passé récent. Malgré l'étude attentive des
récits de navigation, il reste toujours une part d'inconnu et c'est tant
mieux.
Retour au bateau où nous attendent silence (relatif), baignade
(vitale) et apéro (de rigueur). Un "pêcheur fou" va nous amuser un
moment : un énergumène sur une barque crachotante jette un immense filet
tout autour du mouillage, passant entre les bateaux au mépris des
ancres et des chaînes dont la nôtre. Cet individu doit détester les
plaisanciers...
Il revient heureusement lever tout ça en début de nuit.
A suivre ici
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