20 avril 2019

Chesapeake en famille

Je suis arrivé tout juste au rendez-vous avec ma fille à Norfolk (Virginie). C'était la mission attribuée à ce bateau dès son acquisition ; c'est pourquoi je lui ai donné le nom du souverain régnant sur cette région lors de l'arrivée des premiers colons anglais au début du XVIIème siècle : le roi Powhatan, père de l'illustre Pocahontas, a vu ici véritablement naître les États-Unis d'Amérique.




 

Powhatan
Pocahontas, rebaptisée Rebecca par les Anglais
Le père de Camélia se contentera de l'héberger sur le bateau, elle et Édouard, pendant leur exploration des traces des anciens Indiens de Virginie.


Nous commençons par une excursion par la route à Washington, à 300 km de Norfolk.

Washington : le Mall


Le Musée national des Indiens d'Amérique

Devant le Capitole

Puis c'est le moment tant attendu, symbolique s'il en est : remonter la rivière James et accoster à Jamestown, là où arrivèrent en 1607 les envoyés de la Compagnie anglaise des Indes occidentales.



Il faut une journée pour remonter les 48 milles nautiques de la rivière aux méandres étirés.


Trace GPS de notre remontée de la James River

Comme dans les Intracoastal Waterways, on avance au moteur dans un chenal balisé, cerné de toutes parts par des millions de crab-pots (casiers à crabes) signalés par un petit flotteur à peine visible.






 Crab-pots, le cauchemar permanent


Ils sont disposés avec une telle densité qu'il n'y a pas toujours la largeur du bateau pour passer entre deux de ces pièges. Il y en a partout dans toute la baie de Chesapeake, ôtant tout plaisir à y naviguer, l’œil constamment rivé sur la surface de ce véritable champ de mines géant.

 


On reste donc scrupuleusement dans le chenal, sauf s'il faut mouiller ou croiser un cargo, un porte-avions ou un convoi de barges en remorque. Là c'est l'aventure et nous nous sommes faits des frayeurs... Plonger dans l'eau boueuse et froide (18°C) pour dégager une hélice n'était pas dans mes projets !




Dans le chenal
 

L'arrivée devant Jamestown est magique : sur les rives du large fleuve s'étend un paysage boisé et marécageux, presque entièrement sauvage.

James River
Sur la rive du site historique

Marais autour de Jamestown

Nous passons devant le monument de Jamestown en forme d'obélisque, puis devant la reconstitution du premier fort et les répliques des vaisseaux anglais.

Vestiges du premier fort anglais

Reconstitutions du fort et des vaisseaux anglais

Nous mouillons en amont du ponton des ferries : ancrage difficile dans le courant par 2,50 m de fond, qu'il faudra reprendre mais qui finit par bien tenir.


Mouillage près du site historique

Du vent soutenu était prévu pour la nuit, mais pas ce que nous avons vécu. Vers 2 h du matin, le bateau est fortement secoué par les rafales de vent. J'avais laissé en marche tout l'équipement de navigation, et je m'équipe pour faire face à un éventuel lâchage du mouillage. Les moteurs sont mis en route, une pluie abondante se met à tomber alors que les rafales dépassent largement 35 nœuds. Des éclairs sillonnent le ciel mais le tonnerre est à peine audible tellement la pluie tombe fort. Les enfants ont surgi, inquiets. L'ancre a lâché, on chasse ! Le bateau tend à se mettre travers au vent, mais mes vaillants moteurs à plein régime arrivent à le maintenir de face.

La nuit est noire, on ne voit rien, je peux me fier uniquement à mon traceur GPS pour rester à peu près sur place. À peu de distance vers la rive, le fond remonte à moins de 2 m, il faut donc ne pas se laisser entraîner.





 Trace GPS pendant la bagarre


Une énorme masse encore plus noire que le noir ambiant arrive sur nous, le vent monte jusqu'à 42 nœuds, la pluie est si forte que j'arrive à peine à garder les yeux ouverts. C'est à ce moment que Camélia me montre son téléphone où s'affiche "Tornado alert" avec le conseil urgent de trouver un abri. C'en est trop, je décide que c'est une fausse alerte, qui sera effectivement démentie quelques minutes plus tard. En attendant, je garde la barre face aux éléments déchaînés, en fixant sur le GPS une trace désordonnée mais stabilisée sur la zone. Je suis trempé, glacé, ivre de vent, mais je n'en ai cure, une seule pensée m'occupe : ma fille et son conjoint sont à bord, il faut tenir !

Le combat va durer 2 heures. Ni les instruments, ni les moteurs ne lâchent. Les enfants sont angoissés mais se rassurent un peu en voyant que je tiens le bateau. Édouard me soutient avec courage, prêt à intervenir au guindeau dès que ce sera possible.

4h du matin : les rafales commencent à s'espacer. Le bateau est moins secoué, la pluie s'arrête. Le vent descend à 25 nœuds, on peut essayer de remouiller. Édouard remonte l'ancre au guindeau, je ne sais comment on arrive à s'entendre depuis la barre mais la manœuvre est parfaite. L'ancre est reposée par 2 m de fond, ça tient. Après de longues minutes à vérifier que le bateau s'est stabilisé, je peux couper les moteurs. Il nous reste quelques heures de sommeil, qui pour moi sera vigilant ! Le vent continue à souffler mais plus rien ne bouge jusqu'au lever du jour.


Au matin, le vent est encore à 26 nœuds, l'eau est très agitée. Pas question de débarquer en annexe dans ces conditions, on rentre à Norfolk et on reviendra par voie terrestre, en gardant le souvenir de cette arrivée par le fleuve dont peu de visiteurs ont le privilège.







 
La descente de la rivière James met à profit le vent que nous avons dans le dos, le moteur au ralenti, et même sous génois seul une partie de l'après-midi.



 
 











Le temps se met au beau les jours suivants. Powhatan reste à quai pendant nos balades à Jamestown.
 


L'église du fort anglais et la statue de John Smith, le plus célèbre des premiers

colons
Fort anglais
reconstitué
Village indien

reconstitué

Répliques des vaisseaux de la Plymouth Company




À la fin de leur séjour, les enfants veulent une sortie à la voile. Nous passons le pont-tunnel de Chesapeake pour nous retrouver en pleine mer, entre les chenaux des cargos et les zones militaires : on peut y espérer moins de crab-pots !

 




La Navy n'est jamais loin
La balade est un peu écourtée, d'abord par le vent qui remonte de nouveau jusqu'à 23 nœuds, ensuite par des incidents sur le gréement : rupture de la drisse de génois, et la voile s'effondre d'un coup ; et perte d'un chariot de la grand-voile qu'il a été difficile d'affaler avec le vent ambiant. Un coup de chance que ces avaries se soient produites juste avant mon prochain départ au large !

Un tour au chantier naval pour reposer la drisse de génois

Les enfants prennent leur avion vers l'Europe, et le jour même mes nouveaux équipiers arrivent pour la prochaine et ultime étape de ce tour de l'atlantique : la transat retour.

A suivre ici

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