03 janvier 2014

Tobago-Tortola : convoyage express

Changement de décor pour cette fin d'année 2013 : Shrubb quitte le climat humide de Trinidad & Tobago pour les Iles Vierges Britanniques (BVI), tout au nord de l'arc antillais : 500 milles nautiques à parcourir presque d'une traite.

Les conditions de navigation semblent en principe idéales sur ce parcours, presque trop...




Mon équipier Bryan vient du Michigan (USA) : habitué à la navigation sur les Grands Lacs, il souhaite découvrir la haute mer avant d'y mener son propre catamaran.





Shrubb est resté au mouillage de Store Bay, à l'extrémité ouest de Tobago, sous la garde de John (SBMS) qui l'a déplacé une fois vers le lagon de Buccoo Reef lors d'une alerte de forte houle. Le gardiennage a été consciencieux, mais aucun des petits travaux commandés n'a été fait. Nous partirons donc avec les pompes de douche en panne et les colonies de fourmis, entre autres avaries mineures sans conséquence sur la sécurité.
 
Bryan a fait le grand ménage avant mon arrivée
 

Après le pèlerinage obligatoire à Scarborough pour les formalités douanières, nous avitaillons au supermarché Penny Saver et il restera un peu de temps pour quelques travaux et la vérification des équipements du bord avant le départ.




Scarborough : le terminal des ferries


31 décembre : vu les prévisions météo et l'état des courants, nous pouvons nous permettre une escale à Carriacou. La seconde partie devrait être couverte en 48 heures en gardant une bonne marge.

L'ancre est levée à 7 heures. Les voiles sont hissées après un petit incident, une drisse de spi entortillée autour du génois : un méfait de John par distraction, sans doute... Une fois résolu le problème, un alizé modéré de 14-15 nœuds nous pousse en vent travers pour vite atteindre les 9 nœuds.
 

La houle vient du nord-est et nous la prenons par tribord avant : ça tape un peu sous la nacelle. Le vent fraîchit dans la journée et nous réduisons à un ris. A part quelques réglages de voiles, nous n'avons qu'à savourer ce long bord de glisse. Bryan apprécie la houle atlantique, longue et régulière par contraste avec la houle hachée et violente des lacs.

Un seul cargo croisé sur cette étape
 
L'entente de l'équipage est excellente : j'en profite pour mettre à jour mon vocabulaire nautique anglais car Bryan ne s'exprime que dans la langue de Jack Sparrow...

La nuit tombe alors que nous passons au large de Grenade, à l'est de l'île Ronde et des Tantes, en direction de Carriacou.
 
Grenade sous le soleil couchant

Nous entrons dans Tyrrel Bay dans l'obscurité. Il y a beaucoup d'échos radar : barges, navires de travail et nombreux voiliers. Un catamaran est ancré dans la passe sud et je préfère rester derrière lui, bien qu'il y ait encore 14 m de fond. Il y a un fort courant mais peu de clapot et le mouillage tient bien.
 

Nous avons parcouru ces 90 milles en 11 heures, soit 8,2 nœuds de moyenne. Comblés par cette première étape, nous évoquons à peine la nuit de réveillon (c'est ce soir !) avant de sombrer dans un sommeil sans souci.










La trace GPS du parcours

Tyrrel Bay au lever du jour

1er janvier 2014 : c'est presque une grasse matinée, nous levons l'ancre à 8 heures, prévoyant une arrivée à Tortola dans la matinée du surlendemain.
 

En guise de vœux de Nouvel An, nous avons droit à un nouveau caprice du guindeau ; ses ressources en la matière sont apparemment inépuisables... Mais l'alerte est de courte durée. Bryan identifie le problème sur la télécommande dont le câblage d'âge respectable donne des signes de faiblesse. En manœuvrant depuis la colonne de barre, l'ancre est remontée sans problème au prix d'une séance de sémaphore très réussie.


Réparation de fortune pour les prochains mouillages


Sitôt les voiles hissées, Shrubb démarre en trombe et se cale d'emblée sur une vitesse de 10 à 11 nœuds. Le vent est généreux, mais guère supérieur à 18 nœuds.
 



Nous filons beaucoup plus vite que prévu : à cette allure nous sommes partis pour 240 milles par 24h, ce qui nous fait arriver à Tortola en pleine nuit. Pas bon ! Nous envisageons déjà de nous mettre à la cape au sud des BVI, ou de faire un crochet...

Belle allure de croisière...

Après quelques heures pour nous habituer au vacarme du vent et au puissant sifflement du double sillage, nous profitons d'un petit fraîchissement du vent à 22-23 nœuds pour réduire à 2 ris : c'est très efficace, notre vitesse passe de 10,6 nœuds à 10,5 nœuds... Il nous semble même que nous avons accéléré ! Il faut reconnaître que c'est grisant, ce bateau est absolument stable dans son allure et son cap (beau travail du pilote, en passant).


Seul problème, la houle atteint et dépasse 2 mètres, toujours sur tribord avant, et ça tape fort. Par moments les chocs sont tels que la table du carré saute sur place avec tout son contenu dans un tintamarre explosif.

Bien entendu il n'y a que les boîtes de conserve à cet endroit et tout est sanglé. Prouesse de Bryan aux fourneaux, tenant les casseroles d'eau bouillante dans cette ambiance passablement agitée...
 


Pour la nuit, histoire de réduire encore, nous enroulons le tiers du génois. Shrubb consent à descendre un peu vers les 9 nœuds... 

Ce n'est qu'au milieu de la nuit, pendant la succession des quarts, que le vent mollit vraiment et fait baisser notre moyenne d'autant.







La nuit est claire et sans lune, les étoiles ont un éclat inégalé. Nous ne croisons aucun bateau, même de loin à l'AIS.



2 janvier : Au petit matin, on se traîne un peu à 7 nœuds et je renvoie le génois. Mais le vent revient vite et c'est reparti au-delà de 10 nœuds. Progressivement notre allure va gagner en confort : le courant portant à l'ouest faiblit et s'oriente au nord, donc nous pouvons abattre un peu en gardant le même cap fond. La houle elle-même prend du sud et nous arrive par tribord arrière. Ça tape beaucoup moins, mais évidemment Shrubb en profite pour se livrer à des surfs à 12 nœuds...

Déjeuner roboratif à l'américaine...

La nuit venue, nous nous rapprochons des terres et sommes plus vigilants. Des cibles AIS apparaissent en nombre, et nous les avons rapidement en visuel : principalement des paquebots de toutes les tailles.
 

Pendant le quart de Bryan, l'un d'eux, en route de collision avec nous, croit bon de nous appeler à la VHF pour nous avertir qu'il ne bougera pas. Bryan est obligé de manœuvrer pour l'éviter. Ce forban, le paquebot Horizon, sera dûment signalé aux autorités par mes soins, une fois à terre. 

Plusieurs autres navires nous croisent de près et s'écartent selon les règles avec toute la courtoisie requise.


Pendant ce temps, le vent ne faiblit pas et nous cravachons toujours à 9,5 nœuds avec 22 nœuds de vent, 2 ris, un quart restant de génois et les voiles choquées au maximum possible. Il faut agir ! Je lofe carrément malgré les vagues, cap sur un waypoint où nous devrons de nouveau abattre pour finir au grand largue : allongement de route puis allure portante ralentie qui nous donnent un calcul d'arrivée devant Tortola à 6 h, juste au lever du jour.
 

C'était bien vu : à 5h45 les premières lueurs de l'aube apparaissent alors que l'îlot Salt Island est devant l'étrave.
 

 

Nous passons dans le Drake Channel de jour et à 6 h pile : mieux qu'une compagnie aérienne ! Nous sommes rapidement dans le labyrinthe de Road Town où nous mouillons devant les bâtiments administratifs.
 
Road Town : devant le terminal des ferries

Nous allons rapidement nous faire éjecter car, bien que la cartographie y mentionne clairement une zone de mouillage, nous sommes dans l'axe des ferries. Nous allons donc nous déplacer vers la marina au nord de Fort Burt avant de débarquer pour les formalités.
 
Road Town: au sud de la baie
 

Au total cette étape de 405 milles aura été parcourue en 47 heures, soit 8,6 nœuds de moyenne.











La trace de l'ensemble de la traversée depuis Tobago : 495 milles


Après la paperasse et pas mal de dollars laissés en taxes diverses, nous faisons de nouveau route vers notre destination finale : la marina Harbour View dans East End Bay, à l'est de Tortola.
 
Il y a du monde aux mouillages...
Château-fort tropical
 
Eastern Bay


Là encore il faudra changer de mouillage, le premier corps-mort qu'on nous indique appartenant en fait à une autre marina... Comme Harbour View n'a pas d'autre corps-mort libre, je négocie un amarrage à quai au même prix.
 

Dès notre arrivée le mécanicien que j'avais contacté à l'avance est sur le bateau et réalise l'entretien des moteurs et les divers travaux qui restaient en suspens. Comme j'ai réussi à éradiquer les fourmis, il ne restera bientôt plus de séquelles de cet éprouvant séjour à Trinidad.
 
La marina de Harbour View, encore en construction
 
Shrubb restera donc au ponton de cette petite marina, dans un joli cadre en eau ouverte et bien aérée.
 

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