14 juillet 2023

Tour de Corse

Il est temps de donner à Aquilon le goût du large.

La Corse et ses ressources inépuisables me tendent les bras: va pour un tour de l'île, au gré des vents.





22 mai : je quitte la côte varoise sous un petit vent sud-ouest de 6 nœuds. Pas de quoi affoler le loch, et je n'aurai guère davantage sur toute la traversée.


Sous voiles par mer plate au large de St Raphaël


Route au moteur lors du crépuscule et une bonne partie de la nuit


À la tombée du jour, un passager imprévu tombe du ciel. 

Surgi de nulle part !

 

Je ne comprendrai que plus tard qu'il a niché dans la bôme, non sans certains dégâts.


Lever de soleil à petite vitesse sous voiles


La mer est couverte de millions de vélelles, mini-méduses flottantes à voile qui vont disparaître près des côtes.

Des vélelles à l'infini



Vers midi, je suis en approche de la Revellata après une traversée de 22 heures, dont 6 sous voiles.


Le phare de la Revellata


Mouillage de l'anse de l'Oscelluccia



La nuit est d'un calme total, le retard de sommeil est vite rattrapé. Dès le lendemain, je mets cap au sud vers la côte ouest. Le temps est dégagé à distance de la côte mais très orageux sur les reliefs. Je tire des bords contre un petit libecciu force 3.

Un ciel menaçant à terre


À une vitesse moyenne de 3 nœuds, il me faut la journée pour atteindre le golfe de Galeria, totalement désert en bateaux.

Mouillage devant Galeria






Un résidu orageux

Je poursuis vers le sud, longeant la Scandola prise dans les nuages. Le contraste est étonnant entre le ciel plombé à terre et dégagé en mer ; le vent reste faible mais adonne ouest puis nord-est, permettant une route tranquille sous voiles.

La Scandola dans la grisaille


J'entre dans le golfe de Porto, vers un fabuleux mouillage au sud du Monte Senino.


Le triangle quasi-parfait du Monte Senino

Mouillage dans la Cala di Lignaghia






Plus au sud, je fais escale à l'anse de Chiuni, elle aussi vide de tout bateau.



Mouillage devant l'ancien Club Méditerranée

Le lieu est propice à la rêverie, j'y reste deux nuits en attendant le retour d'un peu de vent. Mais l'escale ne va pas durer : un imprévu m'appelle sur le continent, il faut interrompre le périple et retraverser sans tarder.

Levée du mouillage à la fin du jour

Le vent est inexistant : route au moteur pratiquement toute la nuit. 

Coucher de soleil dans la brume derrière un grand ketch

Un petit vent de nord-est arrive enfin à 5h du matin, je poursuis sous voiles à une allure croissante, puis en alternant voile et moteur.

Lever du soleil dans un ciel éclairci

Atterrissage à Port-Fréjus en fin d'après-midi après une traversée de 22 heures, dont à peine plus de 5 sous voiles.

Un mois plus tard...

29 juin : cette seconde traversée continent-Corse est nettement plus animée : départ du Cap Taillat au moteur pendant 3 petites heures, le temps de toucher un petit vent de secteur ouest oscillant toute la nuit, obligeant à de fréquents réglages des voiles.

 

À 5h du matin survient une massive nuée orageuse, que la météo avait prévue et que j'avais anticipée en réduisant la toile à 1 ris, puis 2. Les rafales ne dépassent pas 25 nœuds mais le ciel est couvert d'éclairs illuminant tout l'horizon dans un tonnerre assourdissant. La foudre s'abat tout autour du bateau à courte distance pendant près d'une heure, accompagnée d'une forte pluie qui ajoute au vacarme ambiant. Le pilote assure sans faiblesse, je ne peux que me fier aux instruments dans une visibilité quasi-nulle. Je n'ai qu'une crainte réelle : un impact qui grillerait toute l'électronique, crainte renforcée par des appels du CROSS vers un bateau en détresse après avoir pris la foudre entre Porquerolles et Calvi. 

Mais rien de fâcheux n'arrive et les éléments se calment alors que le jour est levé depuis longtemps. Je largue les ris à 7h30 et poursuis sous voiles toute la journée.

Les manœuvres de ris sont de plus en plus dures : l'oiseau-squatter du printemps a laissé quantité de débris dans la bôme, qui gênent le passage des bosses de ris : la drisse est sous une telle tension à l'étarquage que je crains d'arracher le winch...

La grand-voile a triste figure après largage des ris

Le vent monte de nouveau en fin de journée et je reprends un ris à l'approche des Îles Sanguinaires.

Les Sanguinaires en vue



Je mouille l'ancre à l'est de la passe à 20h, après 23 heures de traversée dont 19 heures 30 sous voiles. Il ne fallait pas trop espérer une nuit reposante : la Parata est réputée être un mouillage rouleur. Ce sera le cas au superlatif, du fait de la houle résiduelle et du sillage des ferries. 







Mouillage de la Parata

Malgré cette nuit chaotique, je suis en assez bonne forme au matin, suffisamment pour entreprendre le nettoyage de la bôme et la libération des mécanismes. Le résultat est imparfait, mais permet désormais de manœuvrer dans de bien meilleures conditions.

La grand-voile haute redevient montrable !


Après avoir traversé le golfe d'Ajaccio, je vais m'abriter à Porto Pollo d'un vent d'ouest modéré mais soutenu, et surtout générant une houle significative. Le mouillage est un peu perturbé par des hésitations du guindeau, qui fonctionne mal en descente. J'apprécie néanmoins une nuit nettement plus tranquille.

Porto Pollo

La levée du mouillage se passe bien, le guindeau ne rechigne pas. Bien reposé cette fois, je quitte le golfe de Valinco sous un vent d'ouest généreux, poursuivant vers le sud.

 
Dépassé par un grand ketch de 52 m, le "Q"

Le "Q" a hissé ses voiles au large : impressionnant...


Le vent monte nettement en fin de journée. Je reprends un ris et j'atteins sous bonne vitesse l'anse de Chevanu, très bien protégée de l'ouest et où j'ai mes habitudes. Sous 25 nœuds de vent et avec le guindeau qui fait de nouveau des caprices, le mouillage est un peu acrobatique mais la tenue est d'emblée parfaite. 


L'anse de Chevanu

Chevanu : les taches de sable éclatantes au matin


Le vent a bien soufflé toute la nuit et va se maintenir à un bon force 5, avant un grand frais prévu 48 heures plus tard. J'ai une courte fenêtre météo pour passer les Bouches de Bonifacio. 

J'arrive rapidement voile haute en vue de la pointe sud de la Corse : parcours idéal au portant, au large des célèbres falaises qui sont à chaque fois un spectacle grandiose.

Approche des Bouches

Les falaises et la cité perchée de Bonifacio

Le cap Pertusato

À l'est des Bouches sous un bon f6


Le vent fraîchit un peu une fois passées les Bouches de Bonifacio, en remontant vers le golfe de Sant'Amanza. J'entre dans l'immense baie et vais mouiller devant la plage de Balestra, juste à l'entrée du golfe, au pied de hautes falaises qui arrêtent complètement le vent d'ouest. 

La plage de Balestra

Le mouillage n'est pas simple en étant seul à bord : le guindeau ne répond plus en descente, il faut débrayer le barbotin et laisser filer la chaîne. Heureusement il y a de la place en arrière des quelques voiliers déjà présents, et l'accroche est excellente par 9 m de fond.

Cet endroit est un enchantement : cadre somptueux, abri parfait, mer plate sans houle, voisinage discret de la part des autres bateaux. J'y reste 2 nuits, prévoyant une escale technique dès que possible pour le guindeau.

Les falaises illuminées au lever du jour




La panne du guindeau ne se manifeste par chance qu'en descente et je lève le mouillage sans difficulté après ces deux jours de détente. Je mets le cap au nord, sous un petit vent de secteur est qui permet d'avancer correctement sous voiles.

En passant au large de la baie très fréquentée de Rondinara


J'atteins en fin de journée le port de Solenzara où des marineros empressés me conduisent à un poste d'accueil sur des pontons tout neufs.

Le port de Solenzara


Je trouve presque immédiatement un mécano qui vient examiner le guindeau, démonte, nettoie, teste.

 

Le fonctionnement semble s'améliorer mais devra être vérifié lors des mouillages suivants. Je profite de l'escale pour avitailler, et je repars dès le lendemain vers le nord.


Le vent ne dépasse pas 10 nœuds, de secteur ouest puis est, et permet d'avancer sous voiles à une allure tranquille. La côte n'offre aucun abri jusqu'à Bastia, et je prends deux mouillages successifs devant la plage, diversement rouleurs.
Mouillage de Calzarello



Mouillage devant l'étang de Biguglia


Un habitant du lieu me rend visite : un grand cormoran noir qui s'installe sur le pont et y reste toute la soirée.



 


Le vent se maintient sud-est entre 3 et 8 nœuds, je progresse toujours sous voiles vers le nord.

Au large de Bastia


À l'extrémité nord du Cap Corse, le vent fraîchit brusquement à 18 nœuds. Je vire à l'ouest pour atteindre la petite baie de Barcaggio. Déception : le guindeau ne va guère mieux. Désormais rompu au mouillage "à la volée", je mouille l'ancre sans difficulté sur une belle tache de sable.

La baie de Barcaggio

Barcaggio : le village et le port


La vue est imprenable sur l'île de la Giraglia.

La Giraglia


Le mouillage est bien abrité du vent qui reste au sud, et j'y passe deux jours dans une tranquillité parfaite. Le plan d'eau est à peine troublé par de rares bateaux de passage et un petit ferry qui dessert le port.

Le port au petit matin



En reprenant ma route vers l'ouest, j'observe une barre nuageuse dense à l'horizon. Pas de menace orageuse signalée mais, ayant en pensée le cataclysme d'août 2022, je prends tout de même un ris de précaution.

Un aspect de front ?

Réduction de voilure

La nuée se dissout au bout d'une petite heure : probablement de la brume de condensation matinale, rien qui puisse inquiéter.

L'alerte est levée

En réalité le vent mollit progressivement et impose le recours au moteur sur une mer complètement plate.

Pétole à l'ouest du Cap Corse


J'atteins dans l'après-midi le site réputé de la plage du Lotu, à la sortie de la baie de St Florent. Les quelques bateaux présents laissent toute la place pour mouiller "à la main" dans une eau au ton turquoise encore plus intense qu'aux précédentes escales.

Devant la plage du Lotu


J'ai une nouvelle visite : une mante religieuse à la mine peu aimable, qui explorera divers lieux du pont avant de disparaître dans la nuit.


Des questions ?


Il faut prévoir le retour. J'ai une fenêtre météo dans les 48 heures pour la traversée vers le continent, avant une période très peu ventée. Je me dirige vers Calvi au moteur sous un vent inexistant et une assez forte chaleur. J'arrive dans l'après-midi, alors que le vent de secteur ouest commence déjà à se lever.

Mouillage en vue de la citadelle de Calvi

Au matin suivant, le vent s'oriente progressivement ouest puis sud-ouest. Je vais pouvoir entamer la traversée en début d'après-midi.





Je lève l'ancre à 15h sous un vent travers généreux à 21 nœuds, voilure réduite à un ris. 



La vitesse est soutenue à 6 nœuds de moyenne, à une allure du travers au bon plein. Le ris est largué à 17h, la route est stable jusqu'à minuit.

 


Peu après minuit, en ce matin du 14 juillet, survient la renverse attendue : le vent passe nord-est après un fort mollissement. Le reste de la nuit sera en alternance sous voiles ou au moteur, avant un net fraîchissement en vue de la Côte d'Azur.

Au large de l'Estérel

Saint Raphaël, au droit du Drammont

Atterrissage à Port-Fréjus à midi, après 21 heures de traversée dont 17 sous voiles.

2 commentaires:

  1. Toujours aussi plaisants tes récits de navigation en commentaires de belles photos ! On sent bien que tu es dans ton élément... Flora

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  2. ET oui , Olivier en plus d'être un mélomane et pianiste, est manipulateur des mots pour nous délecter de ces récits de ces voyages. Merci

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