26 décembre 2018

Quitter la méditerranée en décembre

Transat est-ouest 2018-2019 - 1

C'est la fin de cette longue période de navigations sur bateaux d'accueil, et un changement radical de programme : Powhatan, mon nouveau catamaran, est tout juste acquis et sa première sortie est rien moins qu'une transat !

Une sorte de défi : après quelques semaines fébriles de préparation, à peine le temps pour quelques tests, presque tout sera à découvrir en route. En commençant par une traversée hivernale de la méditerranée.


 
Le grand départ

11 décembre : une froide nuit est tombée depuis plusieurs heures quand Powhatan quitte le port de St Raphaël. C'est un équipage aguerri qui m'accompagne : Alain et Patrice, les meilleurs qu'on puisse trouver.
Prêts au combat...

Me voilà de nouveau capitaine !

Le vent de nord nous pousse grand largue à petite vitesse, il faut aider au moteur de temps à autre.

Au lever du jour, un hélicoptère nous survole : serions-nous déjà recherchés ? Non, nous sommes dans la zone de tir de la Marine Nationale autour de Porquerolles et on nous prie d'évacuer.





Le vent fraîchit et nous allons faire notre apprentissage de la prise de ris sur ce bateau. Toutes les manœuvres sont en pied de mât.

Voyons, comment ça marche, ce truc ?

On voit tout de suite que le lazy-bag tout neuf a été mal monté, posé à la hâte juste avant le départ par un voilier oublieux des délais. Les passages des bosses de ris ne sont pas alignées avec la voile, mais pire que tout, ce sont de simples fentes au cutter sans aucun renfort. Bien entendu tout va se déchirer progressivement sous les efforts et en quelques jours le lazy sera en lambeaux.

Travail bâclé !

D'autres attractions nous attendent :
- La courroie d'alternateur du moteur bâbord patine. On resserre, ça ne tient pas. Examen du moteur, épluchage du manuel d'entretien... Il s'avère que mes alternateurs ne sont pas standard et que cette courroie n'est pas du bon modèle. Eurêka ! La courroie de rechange de l'autre moteur est bonne. Changement, serrage, contrôle : ça tient, mais ça nous aura occupés plusieurs jours.

Ça me manquait, les séjours dans la cale moteur...


- Le support du vérin de pilote a du jeu. Un des boulons de la platine a rongé la cloison et ne tient plus. Une rondelle large fait l'affaire en attendant une réparation plus complète.









- Les horamètres des moteurs s'affolent. Au bout d'une semaine nous aurions fait 200 h par moteur, soit plus de 30 h par jour... Aucune loi de la physique ne donnant là d'explication, je contacte le vendeur qui me dit que j'ai dû confondre les dizaines et les centaines sur les cadrans... Non, non, j'ai bien lu ! Affaire à suivre...

- Mais ce qui nous occupera le plus les méninges, ce sont les indications du contrôleur de batteries, récupéré sur mon précédent bateau, et qui apparemment ne sait plus compter. Après des mesures et tests innombrables, nous finissons par l'ignorer et nous contenter des mesures de tension qui restent bonnes. En particulier les panneaux solaires juste posés produisent bien, jusqu'à 30 A même en cette période hivernale.


Mais où sont passés les ampères manquants ??


Après 2 jours de progression au sud, il est temps de se rapprocher des Baléares pour reprendre la météo, le forfait Iridium n'étant pas encore activé.

Minorque en vue au crépuscule
 
Nous entrons de nuit dans la rade de Mahon sur Minorque, et jetons l'ancre dans la cala Teulera. Il était temps : les dernières prévisions annoncent un coup de vent pour cette nuit.


Cala Teulera : ça souffle fort au réveil

Au lever du jour, il y a plus de 30 nœuds de vent. Un autre bateau, inoccupé, commence à chasser et vient sur nous. Nous l'écartons avec des pare-battages et il va s'échouer contre la paroi rocheuse du chenal d'entrée. J'essaie d'avertir le port de Mahon par VHF et par téléphone, en vain. Quelques heures plus tard, un groupe en semi-rigide viendra le dégager sans trop de dégâts apparents.
Ce n'est pas fini. Le vent monte encore et atteint 40 nœuds. À notre tour de chasser, sur ce fond herbeux de mauvaise tenue. Les petits moteurs de Powhatan ont du mal mais arrivent à maintenir le bateau face au vent pendant que mes équipiers manœuvrent au guindeau. Une bouée vient se prendre dans notre chaîne d'ancre, impossible de s'en dépêtrer dans le chahut ambiant ; il n'y a que la scie à métaux pour en venir à bout. Nous arrivons à reposer l'ancre sur une des rares taches claires de la zone : elle croche tout de suite et ça tient, nous pouvons enfin souffler !

Libérés de la bouée accrocheuse !

En fin de journée, le vent a molli à 25 nœuds et nous pouvons repartir. La sortie de la rade de Mahon est musclée, avec des creux de plus de 2 mètres : "la mer est belle", commente Alain. Dur tout de même pour hisser les voiles, en gardant 2 ris. Powhatan se révèle avec des surfs à 14 nœuds sous un vent toujours soutenu.


La descente de la méditerranée se poursuit. Vent le plus souvent portant entre 15 et 20 nœuds, voilure réduite d'un à deux ris, nous contournons Majorque par l'est et mettons le moteur juste pour la passe de Formentera, au sud d'Ibiza, où le vent s'est mis de face.

Sud Espagne : les sommets enneigés de la Sierra Nevada

Et le froid dans tout ça ? Je redoutais le climat de décembre en méditerranée, où j'ai navigué de multiples fois mais sur des trajets courts et dans un bateau chauffé. Powathan n'a pas de chauffage mais garde assez bien le soir la chaleur de la journée si elle a été ensoleillée. Nous n'avons donc pas trop souffert, avec l'aide épisodique de chaufferettes chimiques. Les bouillottes prévues pour l'occasion n'ont finalement pas servi.
  
Tenues polaires...

  

 

    L'équipage s'occupe...

De quoi regarnir la cambuse
A son habitude, Patrice nous régale
Ça ne finit pas toujours bien !

Une petite journée sans vent en mer d'Alboran, juste avant d'arriver à Gibraltar. Nous nous amarrons au milieu de la nuit au ponton carburant de Marina Bay. Depuis Saint Raphaël, nous avons parcouru 908 milles nautiques en 8 jours et une escale.

En attendant le réveil du pompiste

Gibraltar est une aubaine pour l'avitaillement en gazole : 0,66 €/l, pas de quoi se priver. Les moteurs ont pas mal tourné pour la charge des batteries, vu nos incertitudes sur leur charge réelle, et, bien que peu gourmands, ils ont bien consommé.
Une fois le plein fait, nous jetons l'ancre dans la baie de La Linea. Le mouillage y est toléré ou pas, selon l'époque et la fréquentation ; en tout cas nous y passons une journée parfaitement tranquille, mise à profit pour quelques réparations.


La Linea, au pied du rocher de Gibraltar

Le soir même de ce 19 décembre, la fenêtre météo semble bonne pour passer le détroit de Gibraltar, et nous levons l'ancre à 19h. Nous repassons de nuit, comme à l'aller, entre les nombreux cargos au mouillage, et nous franchissons le détroit contre un vent d'ouest-nord-ouest glacial, sans beaucoup d'aide du courant attendu, avec appui au moteur. C'est certainement le passage le plus froid depuis notre départ. A la sortie ouest, le vent adonne au nord et nous continuons sous voiles au large de la côte atlantique du Maroc.

Entrée nocturne dans l'Atlantique


La descente vers les Canaries est assez rapide, avec un vent de nord au portant soutenu, parfois mollissant, l'occasion de tester le gennaker : pas très grand, il se manœuvre facilement et tire bien dans les petits airs.





Comme à chaque passage le long de cette côte, la vigilance s'impose vis-à-vis des bateaux de pêche et des filets dérivants plus ou moins signalés. Nous voyons aussi beaucoup de dauphins.




Au bout de 4 jours, nous faisons un arrêt de 36 heures en mettant à la cape courante pour laisser passer un coup de vent sur notre route. Voiles de nouveau bordées au soir du 24 décembre, nuit de Noël avec réveillon savoureux concocté par Patrice.




25 décembre : l'approche de Lanzarote est bien ventée, 24 nœuds et mer forte, réduction à 2 ris, puis le vent mollit opportunément pour notre arrivée au port d'Arrecife où nous sommes amarrés à 16h30.


Lanzarote en vue


Arrecife : l'entrée du port

Marina Lanzarote

La trace GPS du parcours

Nous avons parcouru 709 milles nautiques en 6 jours depuis Gibraltar, et 1618 milles depuis Saint Raphaël. Excellent timing, qui permet la relève de l'équipage sans imprévu.

Escale à Arrecife



La marina est récente, bien équipée et bien tenue. De hautes constructions du côté mer forment un abri efficace. On y trouve boutiques et restaurants et un petit shipchandler où le service est très attentionné. Plus loin en ville se trouvent un grand magasin dédié au nautisme, des motoristes toutes marques, et une grande surface, le Mercadona, qui livre au bateau les imposants avitaillements des transatistes, comme dans notre cas.
Je trouve toutes les pièces manquantes : matériel électrique, raccords de gaz pour grosses bouteilles, courroies d'alternateur, câble RJ45 pour le contrôleur de batteries, jerricans pour la réserve de gazole et nourrice pour l'annexe, Insigna pour réparation du lazy-bag et quelques produits d'entretien.

Après quelques bricolages, le bateau est prêt à repartir avec son nouvel équipage. Baptiste remplace Patrice, Alain continue.






 Le nouvel équipage



Nous quittons Arrecife le 27 décembre. La station carburant étant en panne, nous faisons le plein au port voisin de Porto Calero. La transat proprement dite commence.

Lanzarote, côte sud

A suivre ici 


1 commentaire:

  1. Et oui, toujours aussi plaisant tes reportages sur tes voyages.
    Merci de me les faire partager en réel et en photos.
    A bientôt.

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