04 juin 2009

Antipolis, course à sensations

Antipolis0509_001BC.jpgA peine revenu de Corse, Teles est de retour au Yacht Club d'Antibes, cette fois pour prendre le départ de la régate Antipolis.

L'équipage est au bon nombre (nous sommes 4 : Régis, Murielle, Lucien et le capitaine), le certificat de jauge est en règle, les licences sont validées...

Teles a mis à peine 5 heures sous un bon mistral pour arriver à Antibes, et nous nous mettons en position derrière la ligne de départ.











Coup de canon 5 minutes avant le départ : je me tiens prudemment à l'écart des pros de la régate qui commencent à s'invectiver, tirant des bords à la limite de la ligne. Un bateau me fait une vacherie, passant largement devant moi puis lofant brusquement sous mon vent en réclamant la priorité. Mes notions des règles de course sont encore un peu fragmentaires, mais ça c'est interdit ! Bon, on évite l'abordage...
Départ à 20 heures : les 28 bateaux inscrits s'élancent. Teles passe la ligne un peu en retard mais dans une moyenne correcte. Dès le départ, deux excités sont rentrés carrément dans le bateau du comité de course ! Toutes voiles bordées au près serré, route vers la bouée de dégagement : pas de temps perdu, on garde notre position et on remonte même un peu.

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Descente au largue vers le cap d'Antibes, chacun hisse son spi. Nous ne sommes pas en reste, l'asymétrique est bientôt hissé sur Teles. Nous voyons sous nos yeux plusieurs spis se déchirer : manœuvres trop hâtives, problèmes de matériel...? Ce n'est qu'un début, il va y avoir pas mal de casse. En tout cas nous nous gardons bien de triompher, tâchant de maintenir notre route. Sous spi asy, Teles marche bien. Nous gardons notre position, bien que remontés par les régatiers rapides. 

Le parcours va nous mener d'Antibes au Lion de Mer devant St Raphaël, puis directement vers San Remo (Italie).

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Après le cap d'Antibes, Teles descend dans le lit du vent, ignorant les parcours divergents de plusieurs concurrents qui remontent vers Cannes.

Premier incident : Empannage trop rapide sous spi ; la voile n'est pas passée et honte des hontes, le coquetier autour de l'étai. Il y a pas mal de vent et cette voile géante forme vite un enchevêtrement inextricable avec l'étai, la bosse de la chaussette de spi et l'écoute de foc. Malheur de malheur, le vent continue à monter et le jour à descendre. Je me bagarre sur la plage avant avec ce m..dier, vite rejoint par Murielle. On essaie d'affaler mais tout est coincé. Le vent fait un bruit tel qu'il est impossible de s'entendre depuis le cockpit ; on parle par gestes, Régis à la barre, Murielle et moi à l'avant.

Centimètre par centimètre, nous allons dénouer l'écheveau, en affalant au fur et à mesure puisque la chaussette est inutilisable. La nuit arrive, on progresse trop lentement, il y a des dizaines de mètres carrés qui battent encore furieusement là-haut. A tout moment on risque de déchirer la voile sous les tractions énormes qui persistent. Enfin le bas du nœud géant commence à se desserrer, nous avons ramené pas mal de tissu. On passe et repasse les cordages entremêlés que nous voyons de plus en plus mal. La voile reprend le vent de temps en temps et il faut l'arrêter en étouffant le début de gonflement.

Enfin on tient le bon bout : les 3 points de la voile sont libérés, les écoutes sont récupérées, tout est enfourné dans le sac à voile dans le plus complet désordre. Il fait noir et nous ne voyons presque plus rien. Le sac est noué et ramené à l'arrière. Le combat aura duré 25 minutes.

Nous avons évidemment perdu beaucoup de temps car Régis a maintenu une vitesse aussi réduite que possible pendant ce cirque. Nous avons abattu vers le sud pour déventer l'asy, et nous avons perdu du cap. Surtout, le spi n'est plus utilisable dans l'immédiat, il faudra le vérifier et tout remettre en ordre avant de pouvoir le hisser de nouveau : difficilement envisageable en navigation de nuit.

Deuxième incident : Le pilote tombe en panne : après quelques hoquets et messages d'erreur sur le cadran, il n'y a plus aucune réponse. C'est ttrrrrrès fâcheux car ça veut dire que c'est le début d'une série de problèmes. Pour l'heure, le vent est tombé (vraiment le spi asy manque), il n'y a plus qu'à barrer en permanence. Les quarts sont déjà organisés, l'homme de quart aura simplement plus de travail.

Le Lion de Mer est en vue. Aucun bateau n'est derrière nous... reste à compter sur les abandons pour figurer en place encore honorable ! Le passage du Lion vers 1 heure du matin est une héroïque course de lenteur entre nous et un bateau que nous trouvons encalminé derrière le Lion : il a viré trop près et le rocher le dévente complètement. Nous laissons le Lion sur tribord et passons plus loin sous le vent, pour remonter en dépassant l'autre. Eh non, ça ne passe pas, le Lion perturbe le peu de vent qui reste, et nous sommes obligés de tirer un nouveau bord. Pendant ce temps l'autre bateau a réussi à se sortir de sa zone de pétole. Nous allons le rejoindre et passer le Lion bord à bord, à quelques mètres l'un de l'autre. Un moment nous avons l'avantage, mais le forban est plus fort sous son génois et finit par nous semer. La météo a prévu une forte montée de vent pendant la nuit, je préfère ne pas hisser maintenant le code zéro.

Le reste de la nuit va passer à tirer des bords en remontant vers le cap d'Antibes : nous ferons près de 3 fois la distance à vol d'oiseau, le vent est pile sur notre cap.

Troisième incident : Le jour se lève, nous sommes au travers des Iles de Lérins. Régis est de quart et je dors. Je suis réveillé par les mouvements du bateau : le vent vient de forcir brusquement, juste un peu plus tard que prévu.

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Je monte dans le cockpit et nous prenons les 2 ris d'emblée. Le vent va vite atteindre les 30 nœuds avec de bonnes rafales qu'on nous rapportera plus tard à 40 nœuds. Ce n'est pas le pire : la mer se lève. Très courte et hachée comme il se doit pour du vent d'est, rapidement bien agitée. A la barre, j'amortis autant que possible, le bateau étale assez bien mais ça bouge quand même beaucoup. Il y a une bonne gîte, mon équipage est au rappel sur l'hiloire au vent. Et ça arrive : le mal de mer attaque ! Murielle n'est pas très bien mais tient le coup en restant dehors ; Lucien descend et va s'exonérer en grand dans les commodités du bord. Normal !

Régis pâlit et se raidit. Il verdit, il est mal. Il se penche par-dessus bord pour évacuer une première fois. Il parle de relâcher dans un port proche. Le capitaine ne ressent rien, évidemment, tout occupé à reprendre de la vitesse et du cap car Teles est avantagé dans ce gros temps avec sa voilure réduite et son auto-vireur...

Mais Régis fond de nouveau vers le bord, 2 fois, 3 fois... secoué de spasmes terribles, il est épuisé et brusquement je m'inquiète. Il se passe quelque chose et il devient urgent de gagner un abri. Nous visons Juan-les-Pins qui sera abrité du vent d'est.

Nous arrivons dans le port où il y a encore plus de 20 nœuds : ah que je n'aime pas manœuvrer dans ces conditions ! Il est encore tôt le matin et la capitainerie ne répond pas à la VHF. J'entre dans le port, et du ponton carburant on me dit que c'est complet !! Je plaide le cas d'urgence et finalement c'est la gendarmerie maritime qui nous aiguille vers une place vide où je fonce étrave vers le quai. Je mets Régis à dormir dans sa cabine au calme. A côté de nous, un autre bateau de la course s'est aussi réfugié ; le skipper s'est cassé un bras...

Après quelques heures, tout le monde a dormi. Régis reste mal en point bien que moins verdâtre. Il ne peut rester en course, et nous le laissons donc aux mains de Véronique qui est venue le chercher.

Teles reprend sa route en équipage réduit : les quarts vont être compliqués car Murielle, malgré son courage démontré, n'a pas l'expérience de Régis. Il y a encore un bon force 6 quand nous hissons de nouveau les voiles, mais le vent va vite tomber. Les ris sont largués avant la nuit, nous passons avec une lenteur exaspérante devant les éclairages éblouissants de Monte-Carlo. Après des heures de quasi-pétole, on nous octroie 4 à 5 nœuds de vent.
La nuit est longue et il y a des heures que je barre. La fatigue commence à se faire sentir : les paysages de la côte prennent des allures de personnages de dessins animés... Les collines me semblent être des maisons de Mickey avec de drôles de balcons en forme d'œufs, des bâtiments portuaires sont devenus de gros ours roux ; quelques voitures circulent au sommet d'un portique d'enfant, qui est en fait une grande tour d'habitation... ... j'essaie de remettre les choses à leur échelle normale mais en vain. Il me reste le GPS pour maintenir une route cohérente, et je vais m'occuper l'esprit en allant régler les écoutes, lover des drisses, faire quelque chose, quoi !

Enfin le jour se lève et San Remo, dont je voyais les feux depuis des heures, (en fait c'était un peu à côté mais le cap était acceptable !) se profile devant nous.

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L'heure limite d'arrivée n'est pas encore passée, nous pouvons encore nous battre jusqu'au bout ! Nous longeons la digue du port, cherchant un bateau-comité endormi, mais personne ! Tant pis, nous passons quand même la ligne d'arrivée, et je note l'heure : 6h22. J'ai hâte d'atterrir et de dormir !!!

Quatrième incident : Cap au large pour affaler la grand-voile. Ma perspicace équipière constate alors que la manille qui tient le point d'amure du solent s'est fait la malle... Pas très grave, mais il vaut mieux réparer pour enrouler. Dans mes manilles de rechange, aucune n'a la bonne taille. Après 30 minutes d'un nouveau combat sur la plage avant, on abandonne la partie. Vu le peu de vent, le solent se laisse enrouler avec quelques plis mais c'est acceptable.

Nous gagnons le port avec ce retard supplémentaire. Personne pour nous guider, tout le monde dort. J'avise un ponton où sont amarrés plusieurs bateaux de la course et nous prenons une place sans bruit avant de gagner avec bonheur nos couchettes !

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Après quelques heures de sommeil, je me présente au comité de course qui pensait que nous avions abandonné : cafouillage dans la transmission des messages pourtant très clairs que j'avais envoyés de Juan les Pins. Pas très grave : sur 28 bateaux au départ, nous faisons partie des 11 qui sont à l'arrivée. Il y a eu de la casse et aussi beaucoup d'équipages malades. Le capitaine déclare : "Je suis bien content et j'essaierai de faire mieux la prochaine fois" ... (en plus c'est vrai, quoi dire d'autre ?!).

Le lendemain, Murielle et Lucien débarquent pour reprendre leur avion à Nice. Nicolas répond à mon appel pour m'aider au retour : 55 milles sans pilote ne me disaient pas trop en solo.

Le vent, que nous avons toujours eu au nord-est, c'est à dire dans le nez pendant presque toute la course, a bien sûr tourné entretemps au sud-ouest pour rester de face. Nous faisons route d'abord au moteur en longeant la côte italienne que je découvre maintenant de jour... et avec des proportions normales !

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Un bord sous voiles en traversant la baie de Nice, avant d'être rejoints par un magnifique grain entre le cap d'Antibes et les îles de Lérins.

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Enfin une bonne averse de grêle pour bien rincer le bateau...
 
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Merci à Murielle pour ses superbes photos de course.
 

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